Marie Malherbe

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Ajouté le 23 févr. 2016

"La Flûte de la Salute" concert-spectacle jeune public présenté au Casino Venier par l'Alliance française de Venise.


Interprète : Sandrine François, flûte solo de l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg. Textes et décors : Marie Malherbe.
 

Intention : La Flûte de la Salute est un conte poétique sur la dépression et sur la joie, sur le pouvoir de l’amitié et de la musique, et sur le processus créatif en général. Sous une forme onirique mais simple puisque destinée aux enfants, il évoque des questions profondes, ce qui l’apparente au conte initiatique. Sa substance offre plusieurs niveaux de lecture. En voici deux.

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C’est d’abord un hommage à une flûtiste et personnalité d’exception, Sandrine François, entendue pour la première fois lors d’un concert à Venise. La Flûte de la Salute, c’est elle. C’est cette fragilité des êtres sensibles, sublimée par cette force mystérieuse et exigeante des vrais artistes. C’est cette capacité à ressentir le gouffre de l’existence et, par là-même, à aller chercher du souffle en l’altitude.

Cette verticalité radicale de la vie artistique, Sandrine l’incarne de façon magistrale, car elle vole. Pas seulement avec sa musique ; elle vole pour de bon. A ses heures perdues, la belle flûtiste est aussi pilote d’avions ! Elle dit qu’elle a besoin d’air, besoin de hauteur pour supporter la lourdeur de la terre, et même pour jouer sa musique. Comment ne pas voir que concentrée aux commandes de son avion, c’est son propre oiseau de feu qu’elle rencontre, qu’elle apprivoise et qu’elle nourrit ?

C’est chose rare, et pourtant quoi de plus naturel qu’un joueur de flûte qui vole : n’est-il pas un peu oiseau lui aussi ? Comme l’oiseau, il est ce microcosme de fragilité et d’agilité, où le jeu du souffle et d’une infinité de petits muscles rigoureusement maîtrisés peut produire des mélodies étourdissantes de grâce. La grâce, c’est bien dans son cher Ciel qu’inlassablement Sandrine va la puiser, avec les ailes de son avion ou de son instrument, et qu’avec passion elle nous la traduit et nous la chante, sublime, au creux de l’oreille.

A travers l’histoire singulière d’une flûtiste étonnante, ce conte évoque avec simplicité et délicatesse cette aspiration de tout artiste -et de tout enfant- au feu absolu, à l’air absolu ; cette nostalgie de l’espace, cette intuition viscérale que tout est Souffle, et que si l’on inspire du grand Ciel, on peut faire dire de grandes choses à une toute petite flûte.

D’autant que cette flûte-là est en or, assortie à sa musique… et à l’oiseau qui la fait chanter.

 

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La Flûte de la Salute est aussi un petit conte cosmique -presque alchimique. C’est de l’eau qui, en intégrant successivement la terre, l’air et le feu, se transforme en or, en musique et en beauté.

Venise, c’est le monde de l’eau, les flots de nos émotions. L’aqua alta, c’est le débordement de cette émotivité, quand celle-ci sort des canaux qui lui sont impartis, et envahit notre maison intérieure, tous les étages de l’être, jusqu’à en paralyser le fonctionnement.

La Flûte malade est l’expression de ces débordements. Son rhume rappelle les symptômes typiques du chagrin : éternuements, nez qui coule, yeux qui pleurent : un trop-plein d’eau et d’émotions. Sa respiration est cassée par la toux, elle a perdu son souffle. Elle ne peut donc plus jouer, ni dire ce qu’elle a à dire. Elle n’a plus accès à l’air, ni au son ; elle est ce petit oiseau brisé qui ne peut plus ni voler ni chanter.

Les deux enfants Lucie et Léo, c’est l’éveil, la curiosité envers la vie et les autres, l’écoute. Ils sont à l’aise avec les émotions : leur petite gondole leur permet de flotter sans jamais sombrer, et même de se déplacer à leur guise en glissant sur les eaux avec souplesse -car en bons Vénitiens ils savent ramer. Même à marée maximale, Léo circule en toute liberté, ouvert et joyeux -contrairement aux adultes qui s’inquiètent et se fâchent- car le petit gondolier a intégré le fait que dans la vie il y a des hauts et des bas, des vagues, et que tout est mouvant. 

L’Oiseau de Feu, c’est le feu créateur. Il est chez lui aussi bien dans la matière terrestre (il habite dans un jardin) que dans les airs, où il voltige en maître. Il fait le pont entre les deux, à l’image du feu qui transforme la matière et aspire à l’air. C’est lui qui permet à tous les protagonistes de passer de l'un à l'autre, de prendre de la hauteur, de s’élever bien au-dessus de la marée des émotions, au-delà des eaux lagunaires, et même de l’eau suspendue des nuages, pour atteindre cette altitude où « le ciel est toujours bleu ».

C’est un guérisseur qui sait comment réaligner ce qui est « de travers ». Il montre à la Flûte comment se reconnecter à son propre pouvoir créateur, à son feu sacré et éternel, et par là comment retrouver son Souffle. Il lui redonne goût à la vie, à la nourriture qui est bonne pour elle, et qui n’est autre que toute la beauté qu’elle a offerte au monde, toute la musique qu’elle a déjà créée et projetée dans le cosmos.

Esprit libre et vivifiant, c’est aussi un maître à voler pour ce petit oiseau blessé. A la manière d’un passeur, il lui fait franchir ces confins de l’être où, sous l’effet du feu, l’eau et les larmes se transforment en air et en Souffle. Alchimiste à sa manière, l’Oiseau de feu transmute le trop-plein d’eau en or. C’est pourquoi le voyage initiatique à l’ombre de ses ailes n’a pas de durée chronologique, il dure « un jour et un âge », dans une éternité qui transcende le temps.

Riche de cette expérience d’éveil et de guérison, la Flûte redescend sur terre avec un supplément d’âme qui va faire toute la magie de son concert. Elle va pouvoir donner beaucoup plus que si elle n’avait jamais été malade, puisqu’à travers sa transformation, elle a goûté et ingéré des morceaux de Ciel. Son parcours l’a non seulement rétablie et grandie : il a aussi rétabli l’harmonie dans tout le cosmos. Les eaux lagunaires reprennent leur place, à l’image des eaux intérieures. N’est-ce pas là la mission personnelle et cosmique de tout homme, et en particulier de tout artiste : assumer l’eau, nourrir le feu, puiser dans le Ciel et redescendre sur terre pour y dire « la vie du firmament » ?

Marie Malherbe, février 2016

 

Synopsis : voir

http://www.pippa.fr/La-Flute-de-la-Salute
http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=17&srid=107&ida=11847
http://www.paperblog.fr/5636870/la-flute-de-la-salute-marie-malherbe/

http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/40853-la-flute-de-la-salute

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